Dans la tradition occidentale moderne, la figure de l'auteur correspond à un individu historique, avec ses déterminations psycho-sociales et son identité civique. A cette conception biographisante de l'auteur, Michel Foucault a proposé de substituer la notion de " fonction-auteur ". Coupé de son autonomie en tant que personne, privé de sa volonté créatrice individuelle, l'auteur devient ainsi une construction qui s'élabore en relation avec des formations discursives particulières. Il est incontestable qu'avant de se référer à un sujet historique avec son identité psycho-sociale, à une personne juridique responsable, voire à une fiction sociale couverte par un pseudonyme, les indices d'énonciation que nous percevons dans toute forme de discours renvoient d'abord à une figure construite dans le texte. S'élaborant dans le développement du discours même, cette figure est douée d'un éthos particulier, d'ordre fictionnel. Dans la tradition gréco-romaine, les noms d'auteur ne manquent pas : soit qu'ils apparaosse,t dans les formes de signature que sont les " sphragides ", soit qu'ils sont cités et mis en scène par des poètes, des philosophies ou des historiographes comme Homère ou Archiloque chez Pindare, Eschyle, Sophocle et Euripide dans les comédies d'Aristophane, ou Homère et Hésiode chez Hérodote. A côté des cultes qui dans l'Antiquité sont rendus à certains poètes en tant que héros, à côté de citations qui consacrent volontiers l'autorité poétique d'un littérateur, l'identité autoriale semble se cristalliser en particulier autour d'œuvres considérées en tant que corpus ou autour d'un genre particulier : Iliade ou Odyssée, mais aussi certains Hymnes homériques pour Homère, corpus de vers élégiaques pour Théognis, série d'inscriptions intégrées à l'Anthologie Palatine, Bucoloiques pour Virgile, sans parler de l'autorité philosophique diffractée dans la polyphonie des dialogues de Platon. Quelles sont donc les modalités énonciatives et les formes poétiques auxquelles renvoie la " fonction-auteur " dans l'Antiquité ? Les réponses apportées à ces deux questions sont ici précisées dans la confrontation comparative et contrastive avec d'autres traditions littéraires, au cours du moyen Age européen, à la Renaissance, au XVIIe siècle. Le dialogue entre antiquisants et modernistes débouche ainsi sur une tentative de comparaison différentielle. |