[ Paßkontrolle ]
Soudain, Paul voit dans la glace deux yeux posés sur lui, il baisse aussitôt les siens comme il le ferait si un inconnu le regardait avec insistance. "Ça doit être moi." Le visage qu'il a entrevu lui a paru assez sympathique, un visage carré encadré d'une abondante chevelure bouclée, grisonnante. Il lève les yeux, l'autre le regarde encore. "C'est moi, il n'y a pas de doute." Il est content de se découvrir sous ces traits. "Je dois plaire aux femmes", pense-t-il. il prend sa tasse, la porte à ses lèvres, mais l'autre n'a pas bougé, il a un verre de bière vide devant lui, il le voit poser quelques pièces de monnaie sur le zinc, puis s'en aller, il marché d'un pas nonchalant vers la sortie, il a envie de courir derrière lui, de lui crier quelque chose, il se sent impuissant, comme une ombre solitaire, détachée de tout, qui n'est plus l'ombre de rien.
Vassilis Alexakis vit entre Paris et Athènes depuis 1968. Il a publié une dizaine de livres dont huit romans parmi lesquels Talgo, Paris-Athènes et La langue maternelle (prix Médicis 1995).
Nouvelle édition revue par l'auteur. |