Antigone, face à Gréon, est mue comme un automate, une horloge remontée. Cette fille, quantité négligeable et redoutée, l'attend au tournant, et elle y va, pour exécuter ce qu'on sait qu'elle va faire. Un mécanisme s'est déclenché avec elle, révélant la force d'un enchaînement que Créon redoute, puisqu'il le combat et qu'il veut le briser. Mais il s'obstine à ne pas reconnaître l'adversaire, et sa force politique, n'étant pas politicienne, se retourne contre lui.La tragédie d'Antigone construit donc un dilemme autour de la volonté de Créon, et il n'est pas concevable qu'elle ait une détermination seulement négative, comme une résistance criminelle à la résistance juste de la religion. Elle a son contenu propre - qui reste à découvrir. Sinon, le conflit n'apparaît pas, ni la raison du renversement tragique.Il est grand temps de lire Antigone selon le principe fondamental qui exige que la matière interprétée soit elle-même déjà considérée comme une interprétation, et que l'on restitue les distances prises à l'origine. Or, lue ainsi, cette pièce à problèmes se transforme en un drame problématique, peut-être plus critique du sujet qu'il traite qu'on n'est communément prêt à l'admettre. |