[ Idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes ] L'histoire de la naissance du premier Athénien commence par un échec amoureux : celui d'Héphaïstos, l'artisan boiteux, poursuivant sans succès la vierge Athéna de ses assiduités. C'est bien pourtant la semence du dieu forgeron, répandue sur la jambe de Pallas, qui fécondera finalement la terre, pour donner naissance à Erichthonios, l'ancêtre autochtone des Athéniens. A qui s'empresserait de lire dans la victoire de la déesse le triomphe des femmes, l'histoire rappelle que, privées de tout pouvoir politique en même temps que du pouvoir de transmettre leur nom, les femmes paient très cher cette victoire. Et, à y regarder de près, on s'aperçoit que le mythe conte finalement leur défaite. Comment lire un mythe ? Comment s'y retrouver dans ces récits pleins de bruits et de fureur ? En recueillant et en confrontant patiemment, de l'Acropole au Céramique, du théâtre à l'Agora, les propos que les Athéniens tiennent sur leur propre origine, Nicole Loraux nous invite à comprendre comment le discours mythique modèle l'imaginaire politique des Athéniens, fonde la citoyenneté et légitime, finalement, le pouvoir des hommes et l'exclusion des femmes.
Nicole Loraux (1943-2003) a été directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (Histoire et anthropologie de la cité grecque). Elle a notamment publié La Voix endeuillée et La Tragédie d’Athènes. |