Traduit par Franck Lemonde
Le traité de Plutarque intitulé Du Bavardage se présente comme une petite thérapie philosophique: il s'agit de guérir d'un mal, ou d'un vice, des plus dangereux aux yeux de son auteur, celui qui consiste à parler plus que de raison. Après avoir énuméré les dangers du bavardage par une série d'anecdotes tirées d'événements historiques ou légendaires en vogue dans l'Antiquité tardive, la délation politique ayant une place de choix pour expliquer le déclin de Rome, Plutarque n'en reste pas à la condamnation du vice, mais prône la vertu contraire: éloge du silence donc, ce qui ne signifie pas mutisme intégral mais contrôle de soi et tempérance dans le choix des mots. Le "rempart de la raison", physiquement symbolisé par la barrière des dents, doit éviter le flot ininterrompu qui rend les bavards impropres aux joies de la vie sociale. Ne pas trop parler, c'est parler quand il le faut et comme il le faut : on trouvera ainsi à la fin du traité l'esquisse d'un art de la conversation. Alors que le bavardage l'avait galvaudée par son abus, la parole retrouve donc, grâce au silence, la valeur de sens et de beauté qui lui était due.
Le traité suivant, partiellement conservé, pose une question simple et profonde : les maladies de l'âme sont-elles plus graves que celles du corps ? A lire ce qui nous reste de l'argumentation de Plutarque, la réponse est très nettement affirmative : c'est que ces maladies sont plus insidieuses, car celui qui en est atteint ne les reconnaît pas comme telles, se croit en bonne santé et rend donc impossible la condition même d'une guérison. Le travail du moraliste sera donc de rendre perceptibles aux souffrants (que nous sommes tous, au moins virtuellement) les maux qui les guettent et qu'ils ne veulent regarder. |