La raison mythologique prétend donner la clef de l'interprétation des mythes. Une telle rationalisation s'opère à grand renfort de vérités extrinsèques ou de fonctions implicites que le mythe serait censé exprimer bizarrement. De cet acharnement herméneutique, le mythe sort doté d'une consistance positive, comme s'il devait être nécessairement opérationnel. La critique de la raison mythologique conteste simplement qu'un mythe puisse dire autre chose que ce qu'il dit. Le dialogue animé et vivant des mythes entre eux n'est ni allégorique ni étiologique. Il laisse s'échapper une parole qui, rebelle à toute classification, est contestataire en soi. La critique se met ici à l'écoute de trois mythes : le récit hésiodique des cinq races, le mythe orphique du Dionysos démembré et le mythe éleusinien du rapt de Koré-Perséphone. Entendus comme autant de fragments d'une discursivité dont il apparaît qu'elle n'avait, n'a et n'aura jamais rien à voir avec une quelconque intention fonctionnelle, ces mythes surgissent là où on ne les attendait plus à cause de leur détournement exégétique : ils se dévoilent étonnamment comme contestation de l'ordre olympien précisément instauré sur des fictions que la raison invente pour organiser la Cité et qu'elle fait passer pour des mythes. Mais la parole mythique s'entretient du monde, de la mort et de l'âme. Tout le reste est de l'interprétation. |