Dans une langue énigmatique, lors de l’évocation des morts de l’Odyssée, le devin Tirésias prédit à Ulysse un dernier voyage qu’il aura à accomplir après son retour à Ithaque jusqu’au pays des hommes qui ignorent le sel. Du cœur d’une grande flamme qui murmure comme une langue, au chant XXVI de l’Inferno, Ulysse raconte à Dante le voyage fou qu’il entreprit en plein océan, outre les colonnes d’Hercule, jusqu’au tourbillon des eaux qui engloutit son navire corps et biens. Né de la libre combinaison de ces deux passages célèbres, Ulysse, le navigateur aspirant au retour à Ithaque, se mue en voyageur téméraire et en aventurier.
Les quinze textes de ce volume creusent le sillon d’une Seconde Odyssée «plus grande que la première peut-être» (Cavafis) en six langues (anglais, allemand, grec, français, italien et espagnol) dans l’original et en traduction. D’Ulysse d’Alfred Tennyson à Odyssée, livre XXIII de Jorge Luis Borges, ils remodèlent le voyage dantesque d’Ulysse par delà les colonnes et ses aventures merveilleuses connues de l’Odyssée. L’Ulysse errant sur toutes les mers, même parfois sur les terres, irrésistiblement attiré par le couchant, est l’Ulysse de la Seconde Odyssée. Rentré à Ithaque, il est déçu par le retour. Rêveur, inquiet, mélancolique, rongé par le désir de reprendre le large, il retrouve pour ce dernier voyage ses anciens compagnons et les lieux autrefois abordés. Mais rien n’est plus comme avant.
Poètes, prosateurs et essayistes — souvent, comme Borges, en cette triple qualité — reviennent en grands lecteurs inspirés sur l’oracle mystérieux de Tirésias et sur la langue de feu de Dante. L’Odyssée se prolonge par l’Inferno sur les traces d’un chemin connu et inconnu à la fois. Fascination de l’énigme de l’oracle, murmure de la langue de feu, défi de la poésie homérique et dantesque, mythologie mélancolique, méditation sur l’existence et l’immortalité, la Seconde Odyssée c’est tout cela.
Évanghélia Stead, traductrice littéraire polyglotte, travaille sur les littératures européennes. Elle est Professeur de Littérature Comparée à l’Université de Reims. |