Le mythe ne se définit pas seulement par sa polysémie, par l’emboîtement des différents codes les uns dans les autres. Entre les termes mêmes qu’il distingue ou qu’il oppose dans son armature catégorielle, il ménage dans le déroulement narratif et dans le découpage des champs sémantiques des passages, des glissements, des tensions, des oscillations, comme si les termes, tout en s’excluant, s’impliquaient aussi d’une certaine façon. Le mythe met donc en jeu une forme de logique qu’on peut appeler, en contraste avec la logique de non-contradiction des philosophes, une logique de l’ambigu, de l’équivoque, de la polarité. Quel est d’autre part le lien entre le cadre intellectuel dégagé par l’analyse structurale et le contexte socio-historique où le mythe a été produit ? Comment s’articulent, dans le travail concret de déchiffrement, une recherche en synchronie où chaque élément s’explique par l’ensemble de ses relations au système et une enquête en diachronie où les éléments, insérés dans des séries temporelles, s’expliquent par leurs rapports à ceux qui les ont précédés dans les séquences ainsi définies ? La réponse consisterait sans doute à montrer que, pas plus dans l’enquête historique que dans l’analyse en synchronie, on ne rencontre d’éléments isolés, mais toujours des structures, liées plus ou moins fortement à d’autres, et que les séries temporelles concernent des remaniements, plus ou moins étendus, de structures au sein de ces mêmes systèmes que vise l’étude structurale.
Salué dès sa parution en 1965 comme un événement majeur, ce recueil de textes de Jean-Pierre Vernant, aujourd'hui professeur honoraire au Collège de France, a été régulièrement réimprimé et traduit en plusieurs langues. Vite devenu un classique, cet ouvrage, enrichi de nouveaux textes, montre à l'œuvre l'originale méthode de l'auteur. « Nos études, précise-t-il dans la préface à l'édition de 1985, ont pour matière les documents sur lesquels travaillent les spécialistes, hellénistes et historiens de l'Antiquité. Notre perspective, cependant, est autre. Qu'il s'agisse de faits religieux (mythes, rituels, représentations figurées), de philosophie, de science, d'art, d'institutions sociales, de faits techniques et économiques, toujours nous les considérons en tant qu'œuvres créées par des hommes, comme expression d'une activité mentale organisée. À travers ces œuvres, nous recherchons ce qu'a été l'homme lui-même, cet homme grec ancien qu'on ne peut séparer du cadre social et culturel dont il est à la fois le créateur et le produit. » |