[ Marcel Detienne, Jean-Pierre Vernant ]
Partout et toujours présent dans le paysage grec, le sacrifice sanglant définit les conditions dans lesquelles il est licite et pieux de manger de la viande. Sans alimentation carnée, il n'y a ni société civile ni communauté politique. La broche à rôtir est politique, et le couteau partageant le corps à manger découpe l'espace civique, en même temps qu'il invente la plénitude communautaire.
Dans le manger carné, il y a comme un foyer commun où se croisent les figures des marches et de l'altérité. Histoires de loups en lisière de cité, quand le couteau, mauvais partageur, dévie vers la violence meurtrière de la guerre et de la tyrannie. Voyages en Scythie où le bœuf se faisant cuire lui-même raconte l'étrangeté des nomades au chariot. Récits des extrémités du monde, autour de la Table du Soleil, entre les viandes succulentes qui naissent de la Terre pour les Éthiopiens Longue-Vie et les cris de souffrance que lancent les chairs découpées des vaches du Soleil.
Analyse anthropologique qui conduit à mettre en cause la pertinence d'un modèle judéo-chrétien, hâtivement laïcisé par des sociologues convaincus que le social s'enracine dans l'esprit du sacrifice : tel est ce livre, né des travaux du Centre de recherches comparées sur les sociétés anciennes.
Avec les contributions de Jean-Louis Durand, Stella Georgoudi, François Hartog et Jesper Svenbro. |