Aristote et la question du monde de Rémi Brague
L'oeuvre d'Aristote fait la synthèse du courant de la pensée
grecque dont l'influence domine toute l'histoire de la métaphysique.
Ses choix continuent d'orienter la tradition philosophique ; il importe donc
de les voir comme tels, dans ce qu'ils ont de décisif, mais aussi de
problématique. Les plus importants se regroupent autour du concept de
monde. Ce terme désigne soit l'ensemble de ce qui est présent
en son arrangement ordonné (kosmos), soit, de façon plus énigmatique,
ce dans quoi nous sommes, ce à quoi nous venons en naissant - notre présence
irréductible à toute autre dans le monde. Fascinée par
le concept cosmologique de monde, la pensée grecque "le plus souvent
enjambé son concept phénoménologique. L'oeuvre d'Aristote
témoigne ainsi du refoulement du premier par le second : la présence
durable de l'univers devient le modèle de ce que signifie "être".
La façon dont nous "sommes" est alors masquée au profit
d'un érant particulier, l'homme. A chaque fois, le caractère total
de la présence de cède à un étant souverain : la
sphère cosmique englobe l'univers, l'homme récapitule le vivant,
la contemplation accompli l'activité. Aristote laisse pourtant deviner
aussi le concept phénoménologique de monde qui lui fournit son
point de départ la théologie de la pensée de la pensée,
l'ontologie de l'acte et du mouvement, la psychologie de l'intellect agent transposent,
mais évitent aussi bien l'expérience que nous faisons de notre
être dans le monde.
Editions PUF, Paris, 6/2001, 2e édition, 560 pages, 15 x 21,7. |