[ Constantinople imaginaire, études sur le recueil des "Patria" ]
Les Patria de Constantinople (VIIIe-Xe) font partie de ces oeuvres longtemps méprisées que les historiens, aujourd'hui, sont mieux armés pour redécouvrir et analyser. Legendes et folklore urbain naissent ici d'un oubli du passé et de la juxtaposition de monuments énigmatiques dans le champ clos de la ville. Un personnage de la rue, "le philosophe", chargé de tout savoir et de tout prévoir, tire de merveilleuses prophéties des statues, inscriptions, toponymes. Il définit un niveau de culture qui n'est pas vraiment populaire, mais à mi-chemin entre la tradition orale et la tradition écrite. La ville elle-même a son langage "politique", celui de l'hippodrome et des factions, qui ravive et exploite malicieusement le vieux rituel de conflit exprimé par l'opposition des "couleurs". Un "récit sur la construction de Sainte-Sophie", qui semble glorifier Justinien, décrit en réalité l'échec de l'empereur. Dans cette Constantinople imaginaire, plus réelle que la Constantinople idéologique, les empereurs sont prisonniers de la ville et de ses monuments.
Gilbert Dagron est professeur au Collège de France.
Sommaire : "Éloges" et "Récits des
origines" – Genèse des textes et naissance du genre des Patria
– La triade des fondateurs : Byzas, Sévère, Constantin –
Les "Philosophes" dans la rue – Monuments et prophéties
– L'Hippodrome des patriographes : parler courses et parler couleurs –
Le "Récit sur la construction de Sainte-Sophie" : présentation,
traduction et notes – Le "Récit sur la construction de Sainte-Sophie"
: commentaire – Les empereurs, la ville et le temps. |