Les larmes d'Ulysse de Roger Grenier
"Beaucoup de chiens s'appellent Ulysse. Mais le chien d'Ulysse, comment
s'appelait-il ? Argos. Il attend son maître dans des conditions moins
confortables que Pénélope. Toujours prudent, le roi d'Ithaque,
quand il aborde enfin son île, s'est rendu méconnaissable, avec
la complicité d'Athéna. Et pourtant, Argos le reconnaît.
"Négligé maintenant en l'absence du maître, il gisait,
étendu devant le portail, sur le tas de fumier des mulets et des boeufs
où les serviteurs d'Ulysse venaient prendre de quoi fumer le grand domaine
; c'est là qu'Argos était couché, couvert de poux. Il reconnut
Ulysse en l'homme qui venait et, remuant la queue, coucha les deux oreilles
: la force lui manqua pour s'approcher de son maître.
Ulysse l'avait vu : il détourna la tête en essuyant une larme..."
Poséidon, avec l'esprit vindicatif qu'on connaît aux dieux, s'était
en vain acharné sur Ulysse. Mais lui arracher une larme n'a été
donné qu'à son vieux chien."
Editions Gallimard, Collection L'un et l'autre, Paris, 10/1998, 12 x 20.5,
184 pages. |