Le roman crétois de Baptiste Marrey
La vie en abîme. Parce que l'aventure est destinée tôt ou
tard à sombrer, à rejoindre la nuit qui tout efface. Et parce
que, nous le pressentons, les images qui nous restent une fois passé
l'instant de vivre n'auront été que des éclats fugaces
dans le grand kaléidoscope que les dieux s'amusent à braquer d'en
haut sur le monde et ses drôles d'habitants. Une île. La fin d'un
été. Un vieil homme qui ne sait comment dire adieu à la
vie. Autour de lui, deux femmes qui vont vivre chacune à sa mesure, en
ce lieu marqué par trop de légendes, une histoire non prévue.
A l'une et à l'autre Eros fera entendre sa voix terrible : une voix qu'on
n'attendait plus. Le désir parle, et la violence, et d'antiques images
ressuscitent, qui aideront peut-être les mortelles créatures à
ne pas se montrer trop indignes des dieux dont l'île est le jardin. Dix
ans plus tard, une équipe de cinéma vient tourner sur place un
film inspiré par l'aventure de ces deux femmes. Les interprètes
(dont Marcello Mastroianni dans un de ses derniers rôles) apportent à
l'histoire un éclairage inventé. Qui ment ? La vie, l'art ? Quelle
réalité dissimulent ou révèlent les images - les
icônes ? A moins que ce que les âmes naïves appellent mensonge
ne soit, à sa façon, un effort éperdu pour conquérir
la vérité. Et d'ailleurs quelle est la vraie vie, et quel est
le reflet ? Difficile de trancher, en ces temps où les dieux, qui gouvernaient
de haut le monde des hommes et celui des images, prennent discrètement
mais sûrement congé des humains.
Editions Phébus, Collection D'aujourd'hui, Paris, 1997, 240 pages. |