Le flâneur salarié (1927) est un recueil de reportages, qui tous brillent par leur ton, leur style et leur originalité, et ont paru au cours des années 1920. Béraud a su rendre compte avec une parfaite maîtrise du climat d'incertitude qui régnait en Europe à cette époque. Partout où la mort et la violence inspirent l'inquiétude, il est là. A Rome où le pape est mort (c'est ainsi qu'il note le 22 jnavier 1922 : « On a su dans Rome, ce matin, dès l'aube pluvieuse, que le cadavre du Saint-Père serait aujourd'hui même offert aux regards de la chrétienté. Aussitôt par tous les ponts du Tibre, la foule des prêtres, des moines, des pélerins et des fidèles a gagné les abords du Vatican. ») A Athènes où le roi Constantin fusille ses ministres. A Rome encore où Mussolini achève sa « marche » victorieuse. Partout où la vieille Europe craque dans ses frontières neuves. En un temps où l'audiovisuel ne règne pas encore, il a l'art de faire entrer le lecteur dans l'univers familier des conducteurs de peuples, l'art de montrer l'Histoire au moment même où elle s'accomplit. Parmi les reportages figurent les sujets suivants : la translation des cendres de Jaurès, les funérailles d'Anatole France, une viste à Fallières (ancien président de la République), une traversée de l'Albanie, une visite de plusieurs prisons (Clairvaux, Rennes qui est une prison pour femmes) et de lieux d'embarquement pour les bagnes, ce qui le rapproche d'Albert Londres.
Henri Béraud - Le prix Goncourt 1922, condamné à mort pour intelligence avec l'ennemi, fut d'abord un grand journaliste, dont les reportages restent un modèle du genre. |