[ Préface de Milan Kundera ]
Le roman est un art. Un art avec son histoire et son autonomie. L'arbre romanesque plonge ses racines dans Le Décaméron de Boccace (XIVe siècle) et étend ses ramifications sur l'ensemble de l'Europe des Temps modernes. Tous les pays européens n'ont pas accédé au roman en même temps. Pour la France c'est avec François Rabelais, au XVIe siècle ; pour l'Allemagne c'est avec Grimmelshausen au XVIIe siècle. Et ainsi de suite. Pour la Grèce ce fut assez tard, avec le romancier et nouvelliste Alexandre Papadiamantis (1851-1911). Ce " retard " de la Grèce présente un avantage certain pour qui veut pénétrer les arcanes de la création romanesque. Car ce " retard " n'est pas fortuit. Il est dû à l'hostilité profonde de la tradition grécobyzantine, et du christianisme oriental envers l'art du roman. Papadiamantis a mené un combat artistique précieux : en ouvrant assez tardivement pour son pays l'ère du roman, il est devenu pour notre époque le plus proche témoin de la cosmogonie romanesque. Mais il y a encore un autre aspect inappréciable du prosateur grec. Etant proche aussi de la civilisation byzantine - civilisation par essence hostile à l'aventure romanesque -, il nous montre ce que deviendra l'Europe une fois le roman mort.
Lakis Proguidis : Fondateur et directeur de la revue trimestrielle L& du Roman. Ecrivain et critique littéraire, il a notamment publié deux livres consacrés à l& malgré la critique - Essai sur l& Gallimard, 1989, Prix littéraire Michel Dard, La Conquête du roman - De Papadiamantis à Boccace, Les Belles Lettres, 1997, préface de Milan Kundera. Il a reçu le Prix de l& (soutien à la création). |